To escape...

Pour s'échapper un instant.
Etoile du Trésor s'était réveillée très tôt, ce matin-là, dérangée par la morsure du froid qui persistait face à l'arrivée du printemps. Il n'y avait plus de neige, plus de gel, seul face au renouvellement de la nature tenait le froid, qui chaque matin réveillait les guerriers frigorifiés. La meneuse du Clan de la Rivière n'y faisait pas attention, habituée; mais cette fois-ci, elle n'avait pas réussi à retrouver le sommeil et s'était donc dirigée vers la sortie du camp.

Elle avait d'abord traversé les terres qui appartenaient à son Clan; elle avait sauté de rochers en rochers sur les Rochers du Soleil, traversé la rivière, les pattes dans l'eau. Puis elle avait aperçu les territoires libres et avait décidé de s'y arrêter, désireuse de s'évader un instant, histoire de songer à autre chose qu'au bien être de son clan. Le Clan de la Rivière... elle était si jeune et était déjà à sa tête. C'est que l'ancien chef avait perdu sa dernière vie quelques lunes seulement après avoir nommé sa nouvelle lieutenante; la guerrière s'était donc retrouvée meneuse d'un Clan sans qu'elle n'ait jamais vraiment eu d'expérience... mais elle apprenait chaque jour, et puis, elle avait sa lieutenante, Ombre de Lune. Et puis ses guerriers, loyaux, fidèles. Fiers; fiers comme elle l'était. Elle voulait instruire le Clan de cette notion qui définirait bientôt le Clan de la Rivière.
Le chemin du Tonnerre se présenta à elle, apparaissant comme une frontière entre le Clan de l'Ombre -qui avait un territoire désastré- et les trois autres qui vivaient dans la forêt, ou en bordure. Etoile du Trésor arrêta un moment ses yeux sur l'endroit où était dissimulé le camp de l'Ombre, et se demanda si le chef actuel était celui qu'elle avait vu -en tant que guerrière seulement- lors de la dernière assemblée. Haussant les épaules, elle songea que peu importait, et qu'elle le saurait bien assez tôt, la Pleine Lune se rapprochant. D'ailleurs, à ce propos, il faudrait qu'elle songe aux félins de son Clan qui l'accompagneraient. Ombre de Lune, la lieutenante, ainsi que le guérisseur. Puis quelques guerriers et apprentis. D'autres devraient rester afin de garder un oeil attentif sur le clan : chatons, reines, anciens, tous devaient être en sécurité malgré l'absence de la haute hiérarchie ce soir-là.

Un monstre sortit la meneuse colorée de ses pensées. Son rugissement résonna dans sa tête longuement, jusqu'à ce que le chant des oiseaux y reprennent parfaite place. Calme, sereine, épanouie, la jeune femelle jeta un regard en arrière, puis s'approcha du chemin goudronné. A quelques mètres, cachée dans le fossé, elle renifla l'air. Cela sentait mauvais. Le museau plissé, la meneuse resta là, à observer les alentours, relevant chaque odeur et chaque bruit alentour.

« Envole-toi bel oiseau
Vole aussi loin que tu le peux
Raconte-moi comment est la vie de là-haut
Car en bas, nous vivons dans un monde désastreux
Mais toi il ne t’atteint pas
Car haut dans le ciel tu ne crains rien
Emporte-moi avec toi
Je veux faire des cieux, les miens. »


L’aube, déjà. Les premiers rayons lumineux l’annonçaient. L’aurore silencieuse teintait le ciel de ses douces couleurs chaudes. Doucement la nature s’éveillait avec elle. Les oiseaux quittaient leur nid, chantant en chœur la chanson du bonheur. Le bonheur ? Oui, celui qu’amenait avec lui le printemps. Bien que discret, il prenait sa peu à peu place. L’hiver la lui cédait sans mal car son temps était passé. Le cycle de la vie s’enchainait, dans une éternelle boucle. Ange Ephémère quand à elle commençait à peine à ouvrir les yeux. La vie l’appelait au dehors et elle répondrait à cet appel. Elle s’étira longuement et fit un brin de toilette. Son pelage reluisait d’un blanc éclatant que la lumière du matin venait embellir. Rejoignant ses congénères déjà levé, Angel fit un détour par la tanière des apprentis. L’envie d’apercevoir sa jeune novice encore endormit l’avait prise. Elle sourit. La guérisseuse était prise d’une curieuse joie de vivre. Elle inspira profondément l’air frais du matin et s’assit au centre du camp pour l’observer quelques instants s’éveiller. L’agitation le gagnait de plus en plus et chaque guerrier s’affairait à sa tache. Quelques patrouilles s’organisèrent quand d’autres partaient à la chasse. En parlant de chasse, Ange Ephémère sentit la faim la gagner. Il faut dire, elle n’avait encore rien avalé. Elle alla donc au garde mangé mais quand elle se retrouva face à lui, elle fit finalement demi-tour pensant qu’il était tout de même plus correct de le laisser aux anciens et aux plus jeunes. Elle était suffisamment douée à la chasse pour ne pas dépendre des autres et apporter sa propre contribution au clan.

Ainsi donc elle prit la direction des sous-bois. Trottinant joyeusement sous les hauts arbres qui retrouvaient peu à peu leur feuillage, elle attendait la bonne proie pour la prendre en chasse. Et son choix se porta finalement pour ce campagnol, préférant laisser le rossignol faire son concert matinal. Elle n’eut pas trop de mal à l’attraper bien que le rongeur lui avait fait faire une course de plusieurs mètres à travers la forêt. Autant dire qu’elle méritait son festin. Un fois son repas terminé, elle nettoya soigneusement le sang qui avait taché sa belle fourrure blanche. Fin prête à repartir pour sa petite ballade, elle laissa ses pas la guider où bon leur semblaient. Et se fut dans les terres libres qui la conduisirent. Elle n’avait pas pour habitude de s’y rendre, préférant de loin les terres de son clan qu’elle trouvait plus « sauvage » car il fallait avouer que les terres libres étaient parsemées de différentes constructions des bipèdes généralement guère apprécié des chats sauvages. Seuls les solitaires y passaient le plus clair de leur temps et y trouvait refuge car après tout, où pouvaient-ils bien se rendre ?

Bref. Alors qu’Ange Ephémère s’apprêtait à traverser le chemin du tonnerre plus couramment appelé « route » par les humains, elle sentit une odeur familière. Pour l’avoir côtoyé souvent au camp, elle n’eut pas de mal à la reconnaître et en conclu qu’il s’agissait d’Etoile du Trésor, la meneuse de la Rivière. Voilà un bien curieux endroit pour venir s’y promener mais après tout, peut être avait-elle atterri ici par hasard tout comme Angel ? Heureuse d’avoir enfin un peu de compagnie, la guérisseuse allait en profiter pour parler un peu avec l’étoile de son clan qu’elle n’avait pas eut vraiment l’occasion de connaître personnellement même si elles entretenaient de plutôt bonnes relations.


« Etoile du Trésor ? » miaula-t-elle pour l’inciter à sortir de sa cachette.


Ange Ephémère ne fit même pas attention qu’elle s’était arrêter en plein milieu du chemin du tonnerre, ainsi exposer aux monstres grondants qui pourrait surgir de nulle part d’un instant à l’autre. Mais en réalité, Angel aurait tout de même le temps de les sentir venir pour se mettre en sécurité avant leur passage.

Une odeur vint titiller les moustaches de la meneuse du Clan de la Rivière, qui se plaqua contre l'herbe du fossé sans l'avoir identifiée. Une fois complètement dissimulée, la femelle au poil coloré sentit à nouveau l'odeur afin de l'analyser, et elle remarqua en tout premier qu'il s'agissait de l'effluve de son propre clan. Déjà moins sur ses gardes, Etoile du Trésor se détendit avant de se concentrer sur la consistance de cette odeur; et après quelques secondes d'analyse, elle reconnut l'odeur d'Ange Ephémère, la guérisseuse qui soignait le clan depuis plusieurs lunes déjà. La chef de la Rivière décida de rester dans le fossé tant que l'autre femelle ne l'aurait pas remarqué; non pas qu'elle n'appréciait pas sa compagnie, bien au contraire, mais elle était venue ici dans le but d'être seule, de s'échapper. Aussi préférait-elle rester en solitaire ici, et profiter de la compagnie de ses guerriers lorsqu'elle rentrerait.
Mais Ange Ephémère ne lui laissa pas le choix puisque la meneuse entendit bientôt prononcé son nom. Elle n'était pas déçue, non, car elle allait pouvoir converser tranquillement avec quelqu'un qu'elle appréciait; et puis après tout, elle pourrait profiter de la solitude un peu plus tard... à condition que personne d'autre ne vienne la déranger une nouvelle fois.

Gracieusement, Etoile du Trésor se releva et s'éloigna du ravin d'un bond agile. Elle se retrouva, comme la guérisseuse au poil blanc, au beau milieu du chemin du Tonnerre, dont elle sentit l'horrible odeur s'imprégner sur ses pattes et sur son pelage. Un instant, elle plissa le museau, répugnée à l'idée que cette horrible matière lui abime et lui salisse les coussinets; puis elle releva la tête pour regarder fixement la femelle blanche, dont le pelage était soigneusement peigné, cela se voyait qu'il était soyeux. Il était brillant. La guérisseuse du Clan était en bonne santé; et c'était là une déjà bonne nouvelle. Que seraient les malades et blessés si la guérisseuse elle-même n'était pas en mesure de les soigner ? Elle n'avait toujours pas d'apprentie... donc dans le Clan personne ne pourrait les aider. Si les cas s'avéraient trop graves, il faudrait donc aller demander de l'aide aux autres clans... NON ! Etoile du Trésor ferma les yeux, négativant de la tête. Jamais elle n'irait demander de l'aide aux autres ! Sa fierté l'en empêchait ! Et puis, Ange Ephémère allait bien; alors, elle n'avait aucune raison de faire du mal à sa dignité pour l'instant.
Bref.

TreasureStar réouvrit les yeux afin d'apercevoir à nouveau sa guérisseuse. A cette vue illuminée par le soleil qui brillait en ce jour de renaissance des fleurs et des feuilles, la meneuse sourit. Tout allait pour le mieux. Du moins, pour l'instant... pensa t-elle entre parenthèses. Mais elle se concentra à nouveau sur la vue de la femelle de son Clan et se décida enfin à répondre à l'interpellation dont elle avait fait preuve, quelques (longues) secondes plus tôt.

« Bonjour, Ange Ephémère... » commença t-elle, sans originalité, préférant un début ordinaire que des propos originaux. Elle s'assit, enroulant instinctivement sa queue autour de ses pattes, puis regarda l'horizon, vérifiant par la même occasion qu'aucun des monstres de bipèdes ne viendraient les faucher. « On est un peu en plein milieu d'une route très dangereuse, n'est ce pas ? » finit-elle, un brin amusée. Ce n'était pas là ce qu'on répétait aux chatons et apprentis depuis leur tout jeune âge. Mais les deux femelles étaient bien assez expérimentées pour avoir le loisir de se sauver au cas où !

{ D'accord, j'attends =) }