Histoire banale. Deux chats, un mâle et une femelle du même Clan, se voient et tombent fous amoureux l’un de l’autre tellement c’est trop mignon. On peut préciser qu’ils se voyaient pourtant tous les jours, ils étaient sous le nez l’un de l’autre, et ils ont mis des années avant que la flèche de Cupidon ne les touche. Mais c’est connu, Cupidon vise très mal.
Bref.
De leur union naquirent deus petits tous exquis, qui devinrent les plus grands guerriers du Clan et qui devinrent chefs tous les deux, comme quoi ce crétin d’allumette ne peut rivaliser avec les félins de Champi 8D. Bref. De leur union naquirent donc deux chatons, un mâle et une femelle pour équilibrer un peu la donne, deux gosses à l’apparence si fragile et tellement mignons. Deux boules de douceur et de gentillesse, qui aident les mamies à traverser la route. Mais oui c’est ça, et la marmotte met le papier d’alu dans le chocolat pour empoisonner ses clients américains.

Dès sa naissance, Petit Papillon fut destinée à être la plus petite de la famille, mais également la plus chétive. Et donc la plus surprenante. Vous n’imaginez pas tout ce que Citroën peut faire pour vous. Je m’égare encore. La petite demoiselle faillit ne pas passer son premier mois, à la grande inquiétude de ses parents. Petite, chétive, trop peu musclée, tombant à chacun de ses pas, elle faisait vraiment peur à sa mère qui craignait de la voir mourir, et qui donc la surprotégea. A côté de ça, Pattes d’Epines, le frère de la concernée, grandit comme une belle plante pleine d’épines – oh c’est petit ça – et sa carrure intimidait déjà les chatons de la pouponnière, pourtant plus âgés que le grand brimborion. Et au contraire de son frère, terreur de la pouponnière, la frêle Petit Papillon devint ... Eh bien, le souffre-douleur de la pouponnière. Moqueries, injures, coups discrets. Ils lui coupaient la route, le bousculaient, se moquaient d’elle, et personne dans sa famille ne s’en rendit compte, même pas son frère, jusqu’à ce qu’il voit cela de ses propres yeux. Et qu’il s’énerve.

« TOUCHE PAS A MA SŒUR, SALE CON ! »
« Mais enfin, éleva la mère, ils s’amusent avec ta sœur ! »
« NAN ! ILS LA MARTYRISENT ! DEGAGEZ BANDE DE SOUS-ETRES ! »

Et pif, et paf, ce fut réglé en deux grosses baffe dans la truffe des méchants pas beaux, qui s’en allèrent en se disant que, tiens, la prochaine fois ils se chercheraient une victime avec un frère un peu moins baraqué. Ce fut cette altercation qui souda l’amitié entre le frère et la sœur, mais surtout l’incapacité des autres à les séparer. Protégée par son frérot adoré, la demoiselle prit son envol – au sens figuré – et développa son caractère. Euh, pardon, son sale caractère. Elle ignora les autres chatons qui la traitaient d’assistée, et finit par prendre comme un compliment le fait qu’on la traite de princesse. Son franc-parler, jusque-là inconnu de la petite, se déploya quand les gamins de la pouponnière découvrirent que Patte d’Epines était susceptible, et qu’il suffisait de le charger suffisamment longtemps pour qu’il se sente nul et commence à déprimer. Pensant ainsi avoir la paix, ils commencèrent à l’enquiquiner. Bien évidemment, ils n’avaient pas prévu que la princesse assistée ... Etait une chieuse à la répartie cinglante.

« Oh bravo. A quatre contre un. Quel courage, quels fiers guerriers. »
« Va voir ailleurs si on y est, marmonna un des chatons. »
« Inutile, argua-t-elle, tu es juste devant mes yeux. »
« Mais casses-toi ! »
« Bah non, vous embêtez mon frère. Alors tu vas être gentil. Tu dégages avec ta clique d’esclaves, ou je vous réduis en petites lamelles. »

Les chatons se regardèrent, juste avant d’éclater de rire à s’en rouler par terre. Comment ? Elle, un brimborion de cette taille, protégée par son frère et sa mère, leur mettre une grosse raclée ? Allez, suffit la plaisanterie. Ils arrêtèrent de rire et la regardèrent, goguenards. Au moment où elle passait à l’attaque. Mais pas de la manière dont ils l’imaginaient.

« Tu vois, Patte d’Epines, c’est exactement ce que je te disais pas plus tard qu’hier. A force de se marier entre gens du même Clan, le problème de la consanguinité peut arriver. Là, sous tes yeux ébahis, tu as quatre exemples-types de la consanguinité du Clan du Vent. Des chatons stupides, se partageant le même caillou comme cervelle, qui tentent de faire régler leurs bêtes lois et qui pensent être meilleurs que les autres. Regarde-les bien, la Nature pourrait juger qu’elle a fait une erreur et les éliminer de la surface de la terre. Profites-en bien tant qu’ils sont là devant tes yeux. »

Petit Papillon sourit d’un air méprisant tandis que son frère éclatait brusquement de rire. Un des quatre chats abasourdis jugea qu’il fallait rabattre le clapet de cette peste, et se jeta sur elle. Très grosse erreur. La demoiselle, qui s’y attendait, roula sur le côté mais ne put néanmoins esquiver le méchant coup de pattes qu’un autre lui plaça sur l’épaule, et qui lui tira un cri de douleur.

« TOUCHEZ PAS MA SŒUR BANDE DE CREVARDS ! »

Et Patte d’Epines de se jeter dans la bataille pour mettre une sévère dérouillée aux quatre chatons, qui retournèrent ventre à terre près de leurs mères sous les regards victorieux et méprisants du frère et de la sœur. Après cet épisode, les mères allèrent se plaindre auprès de la mère des deux boules d’énergie. Et celle-ci, restée bloquée sur le fait que Petit Papillon fut faible pendant un mois, jugea que sa fille était influençable, et donc influencée par son frère. Normal de parvenir à cette conclusion, me direz-vous. Petit Papillon est toute petite, toute maigrichonne, et passe facilement inaperçue. Son frère, Patte d’Epines, est grand, costaud, et passe plus de temps à gueuler et tabasser ses confrères de pouponnière qu’à dormir et manger. A cause du comportement du mâle, plus que celui de la femelle impassible mais au regard métallique, de sales échos revenaient à la maman, comme quoi Patte d’Epines tenait tête ouvertement aux guerriers, embêtait les apprentis, et que Petit Papillon faisait pareil, mais d’une manière plus subtile. Elle tenta donc de les séparer, sans succès. De les diviser, sans succès aussi. Le père tenta de les monter l’un contre l’autre, sans y parvenir toutefois. Ils laissèrent donc tomber et les laissèrent de fait continuer leurs exactions. Jusqu’à ce jour. Date importante aux yeux des parents puisque leur progéniture, âgée de six lunes, va bientôt être nommée apprentis.
Et ils espèrent que cela les divisera, les séparera, qu’en sais-je ...
Bah. L’espoir fait vivre.